Ils et elles ont dit NON à une « guerre sans nom » :

les « soldats du refus » et les « porteuses de valises ».

Voulant compléter ce que j’avais écrit sur l’arcueillaise Hélène Ksiazek, veuve du guillotiné pour l’exemple Fernand Iveton, j’ai consulté un article de Wikipédia sur « les soldats du refus », cette quarantaine d’appelés communistes qui, de juillet 1956 à mai 1959, ne quittèrent pas l’Armée mais refusèrent d’aller combattre en Algérie. Que ne fut pas mon étonnement d’y trouver un soldat du contingent cachanais, Guy Bougerol. Cette découverte m’a conduite à faire une recherche sur ces jeunes gens qui, en rendant publique leur refus de participer aux opérations de maintien de l’ordre en Algérie, risquaient deux ans de prison voire davantage. Guy Bougerol, comme tous les autres soldats du refus, fut soutenu par le comité local du Secours populaire français (dont je détaille les actions pendant la guerre d’Algérie). Alors que fin mai 1959, le secrétaire du PCF, Maurice Thorez, demandait que soit mis fin au mouvement des soldats du refus pour privilégier l’action des appelés à l’intérieur de l’Armée, se tenait en août 1960 le premier congrès du mouvement « Jeune Résistance », mouvement officialisé en mai 1959, qui regroupait insoumis et déserteurs anticolonialistes pour la plupart réfugiés en Suisse. Et le 5 septembre 1960 paraissait dans les Temps Modernes de Jean-Paul Sartre une liste de 121 signataires d’une déclaration (immédiatement censurée) proclamant « le droit à l’insoumission ». Ce « Manifeste des 121 » sortait au moment où débutait à Paris, devant le Tribunal Permanent des ForcesArmées, le procès des membres du réseau de Francis Jeanson, appelé aussi réseau des « porteurs de valise ». Pourquoi cette publication ? dans les prévenus figurait un déserteur. Parmi les membres du réseau qui apportèrent un soutien clandestin au FLN en hébergeant ses membres, en collectant et transportant des fonds, en éditant et transportant des documents, des tracts et des journaux, il y eut plusieurs femmes qui furent emprisonnées à la Petite Roquette à Paris dont six, après des condamnations à 10 ans d’emprisonnement, firent une remarquable évasion. Dans ces femmes emprisonnées à Paris, il y eut la seconde épouse du physicien cachanais Robert Klapisch, l’historienne Christiane Klapisch-Zuber, spécialiste de l’histoire de la famille, de la transmission du patrimoine, auteure de nombreux livres sur les femmes à Florence de la fin du Moyen-Age à la Renaissance. Cette recherche sur ceux et celles « qui dirent Non à une guerre sans nom » m’a donné l’occasion d’évoquer deux costarmoricains, le soldat du refus Jean Le Meur et la porteuse de valises Annette Beaumanoir. Jean Le Meur, jeune officier qui fit publier ses lettres dans la revue Esprit, fut condamné à deux ans de prison par un tribunal militaire siégeant à Constantine ; professeur agrégé, il enseigna le français au lycée où ma sœur et moi avions fait nos études secondaires et eut notre mère comme collègue. La « doctoresse rouge » Annette Beaumanoir, membre du réseau Jeanson, avait été condamnée à 10 ans de prison ; grâce à des complicités dans le milieu médical, elle put sortir des Baumettes et rejoindre la Tunisie. Annette Beaumanoir fut Résistante, faite Juste parmi les Nations en 1996, soutien au réseau FLN du Sud de la France, médecin en Tunisie auprès des soldats de l’ALN et des populations algériennes déplacées puis après l’Indépendance de l’Algérie, elle fut adjointe du Ministre de la Santé dans le gouvernement de Ben Bella. Retraitée (elle a 97 ans) elle partage sa vie entre sa maison de Saint-Cast-le-Guildo (où j’aurais pu la rencontrer) et celle de Dieulefit (Drôme), ville des Justes. L’action de ces femmes et de ces hommes fut minoritaire. A-t-elle permis à l’opinion française de prendre conscience de la situation en Algérie et permis d’accélérer le processus de paix ? Peut-être. Il m’a semblé important, un peu moins d’un an avant la célébration des 60 ans des accords d’Évian, au moment où l’on parle de réconciliation des mémoires françaises et algériennes, de faire connaître « cette Résistance française à la guerre d’Algérie ». Je vous souhaite une bonne lecture de ce dossier qui permet de découvrir ce que fut cette résistance à travers quelques destins de soldats du refus et à travers l’histoire de femmes qui, dans l’action clandestine, aidèrent le FLN en France.

Lire le dossier : Ils et elles ont dit NON à une « guerre sans nom » : les « soldats du refus » et les « porteuses de valises ».